Les photos du dernier spectacle de danse ont suscité beaucoup de questions sur la technique de prise de vue utilisée.
Pour ceux qui n’ont pas accès aux photos du 2 et 3 Mai, je vous invite à consulter la galerie photo d’un autre spectacle de danse réalisé dans les mêmes conditions : http://www.miseaupoint.org/e_dspirit.html
Je vais donc essayer d’expliquer la technique (ma technique) utilisée pendant ces spectacles… le but est de partager… non ?
Pour ceux qui ne sont pas trop familiarisés avec les termes et bases de la photo, je conseillerai au préalable la lecture de quelques articles de ce blog essayant humblement de donner une première introduction. Ca commence ICI.
Qui dit « Spectacle en Salle » dit « conditions de lumière très difficiles » et en général « flash interdit« . Et si on rajoute le mot « Danse« , on pense tout de suite à la galère pour « figer le mouvement » ou au moins pour avoir quelque chose de net !
Je plante donc le décor : un spectacle de danse dans une salle sombre avec une scène éclairée par des spots mettant en valeur certaines zones. Pour compliquer le tout on fait varier l’intensité lumineuse selon la chorégraphie et l’ambiance recherchée. On rajoute les danseurs et leurs chorégraphies et l’on obtient un joli défi, mettre en valeur le spectacle.
Trêve de plaisanterie, parlons photo. La plupart des photos effectuées sur ces deux spectacles ont été réalisées avec les paramètres suivant :
- couple vitesse – ouverture : entre 1/60s – f/2,8 et 1/200s – f/3,2
- sensibilité : entre 1200 et 1600 ISO
Pour pouvoir utiliser ces paramètres, vous comprendrez que le matériel utilisé à une très grande importance. Il faut un objectif lumineux, capable d’ouvrir à f/2,8 sur une plage de focale. Et il faut également un boitier capable de bien gérer ce fameux bruit numérique au delà de 800 ISO. Dans mon cas, j’ai utilisé un Canon EOS 5D avec l’objectif 70-200 f/2,8 IS USM.
Pourquoi une telle débauche de moyens me demanderez-vous. Prenons un exemple en commençant par la vitesse. Pour avoir une photo nette, il vous faut au moins être à 1/60s pour éviter le flou de bougé. Ceci dépend également de la focale de l’objectif et de la présence ou non d’un stabilisateur. Comme l’on parle de danse, une vitesse plus rapide ne serait pas du luxe donc prenons une vitesse de 1/100s comme point de départ. Pour pouvoir utiliser cette vitesse dans la plupart du spectacle, il faut fixer l’ouverture à f/2,8 et la sensibilité entre 1200 et 1600 ISO. Si nous prenons un objectif qui ne peut pas ouvrir à plus que f/5,6 dans les mêmes conditions de lumière, la vitesse sera divisée par 4 et descendra à 1/25s pour f/5,6 donc pas utilisable. On voit ici toute l’importance d’un objectif dit « lumineux ».
Autre problème à régler, la sensibilité. Tous les boitiers ne sont pas égaux sur leur gestion du bruit à cette sensibilité là. Même si de gros progrès ont été faits, l’apparition du bruit à 1600 ISO est inévitable et la photo demandera un traitement afin de le réduire. Le Canon 5D est un boitier gérant plutôt bien les 1600 ISO ce qui facilite la réduction logicielle du bruit par la suite.
MAJ Janvier 2013…
La technologie progresse et les nouveaux boitiers comme le 5D MkIII gèrent désormais les 6400 voir 12800 ISO aussi bien qu’un « vieux » 5D à 1600 ISO. Passer de 1600 à 6400 ISO… c’est 4 fois plus de lumière… donc des vitesses 4 fois plus rapides… plutôt intéressant !
Voici pour les paramètres de base. La prochaine question est comment gérer ces paramètres pendant la prise de vue car les conditions de lumière changent constamment. La tentation du mode automatique est grande. Pourquoi ne pas fixer l’ouverture la plus grande et laisser l’appareil gérer la vitesse selon la luminosité. Dans ce cas de figure l’élément clef est la mesure de la lumière par l’appareil. En mode multi zones (souvent le paramètre par défaut), l’appareil mesure la luminosité globale de l’image. Si vous n’avez qu’une faible partie éclairée (cas des spots sur scène), l’appareil pensera que la zone est sombre est baissera la vitesse de manière trop importante ce qui va cramer la zone éclairée et rendre inutilisable la photo. Changer le mode de mesure pour une mesure dite « spot » peut être une bonne alternative car seule la zone centrale sera utilisée pour la mesure. L’inconvénient est de pouvoir s’assurer que la zone éclairée est bien au centre de l’image… pas toujours évident, et pas toujours esthétique.
On en revient donc au mode manuel : on fixe la vitesse, l’ouverture et la sensibilité selon l’éclairage. Dans ce cas de figure il faut être très vigilant aux changements d’intensités lumineuses afin de pouvoir agir sur la vitesse par exemple. Il faut bien connaitre son appareil et constamment vérifier les informations parvenant dans le viseur mais par expérience cette méthode donne les meilleurs résultats.
Voilà… le spectacle est fini. Maintenant vous avez vos 2000 photos (cas du 2 et 3 Mai) qu’il va falloir traiter. Ce traitement est un passage obligé, comme on le faisait avec le tirage labo pour l’argentique. Beaucoup de personnes pensent que le fichier Jpeg sortant de l’appareil photo est le résultat final et que tout est fait. En fait ce fichier Jpeg n’est que le résultat d’un calcul interne au boitier permettant d’obtenir un résultat convenable et utilisable de l’image. Dans des cas spéciaux comme celui d’un spectacle de danse, il est préférable d’utiliser le fichier brut issu du capteur, c’est le format RAW. Celui-ci doit être « traité » afin d’obtenir l’image voulue, à charge de l’utilisateur de jouer sur ces paramètres de traitement : exposition, saturation des couleurs, accentuation, gestion des niveaux… Heureusement, de nombreux logiciels (même gratuit) permettent d’automatiser cette tâche… ce que je ne fais généralement pas car je veux m’assurer d’obtenir le résultat optimum pour chaque photo suivant les conditions de prise de vue.
Ce traitement n’est que la première étape, il faut ensuite sélectionner les photos, recadrer, corriger les couleurs, harmoniser les tons clairs et foncés et… supprimer le bruit.
J’effectue toutes ces étapes manuellement et avec l’aide de scripts personalisés permettant d’enchainer plusieurs commandes de traitement définies au préalable. Durée totale de traitement d’une photo : tous traitements confondus, entre 1 et 2 minutes selon la complexité. vous comprendrez pourquoi les photos d’un spectacle ne sont pas publiées dans les 2 heures qui suivent !
Cependant, je pense que le jeu en vaut la chandelle et qu’il apporte une meilleure qualité afin de faire ressortir les émotions vécues pendant le spectacle. Il est vrai que pour le côté émotion, la technique n’est qu’un facilitateur… le coup d’oeil c’est mieux ! Participer aux répétitions est aussi un excellent moyen de préparer le terrain. Cela permet d’anticiper quelques photos qui feront mouche !
Cet article se veut un complément des articles liés aux techniques de base. Il permet, par un cas pratique (bien que particulier) de voir comment mettre en oeuvre et manipuler les paramètres de base de la photo et de la photo numérique en particulier. N’hésitez pas à laisser vos commentaires ou questions au passage. L’objectif de ce blog est d’échanger.
A bientôt
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